chalon-sur-saône_les temps d'avant


 

1851 11 05

l’envoi en Californie

 

LA REVOLUTION DE 1848

JOURNAL DEMOCRATIQUE DE SAONE-ET-LOIRE

 

Camille BERRU

 

La Révolution paraît le MERCREDI et le SAMEDI

 

 

VARIETE

  

La Californie,

 

"Si tu as des ennemis, conseille leur de venir ici ; mais détourne tes amis."

(Lettre d’un émigré.)

 

Nous avons déjà protesté contre l’envoi en Californie de nos malheureux compatriotes que la misère et le manque absolu de ressources poussent aveuglément à la poursuite d’une destinée quelconque.

 

Voici, sur le sort des travailleurs dans ce triste pays des détails que nous tenons de plusieurs personnes arrivées de San-Francisco depuis quelques jours, et que leur honorable caractère, leur intelligence observatrice, enfin leur long séjour en Californie, rendent digne de la confiance la plus complète.

 

Depuis longtemps déjà, on est revenu de cette première croyance que l’or étincelait sous chaque coup de pioche, qu’il se ramassait à pleines mains, qu’il n’y avait, comme on dit vulgairement, qu’à se baisser pour en prendre. On ne croit plus, sauf confirmation authentique, à ces merveilleuses découvertes de gisements aurifères, assez féconds pour enrichir, comme par miracle, toute une colonne de mineurs.

 

Ces contes des Milles et une Nuits sont rentrés dans le domaine de la fantaisie, l’âge d’or est redevenu un rêve mythologique.

 

Un mot, en passant sur l’origine de ces histoires fabuleuses.

 

C’étaient autant de réclames publiées par les journaux américains, et l’on sait qu’ils n’ont pas de rivaux dans l’art du puff, -- pour le compte des hôteliers et des restaurateurs de San-Francisco ou d’autres endroits à proximité desquels avaient eu lieu les prétendues découvertes. Les journaux français, qui reproduisaient ces nouvelles en vue d’intéresser leurs lecteurs, se faisaient, à leur insu, les compères des industriels californiens, et secondaient de la meilleure foi du monde, leur appel à la crédulité et à la bourse des nations étrangères.

 

Les exemples de fortunes réalisées sont tellement rares, au contraire, que l’on cite encore avec admiration, à San Francisco même, où l’on devrait être blasé sur les épisodes de ce genre, trois matelots qui, dans les premiers temps de la fièvre des mines, parvinrent, après plusieurs mois de fatigue et de peines inouïes, à réunir à eux trois une valeur en lingots d’environ cent cinquante mille francs.

 

A l’âge d’or, si pompeusement chanté dans les strophes des premiers récits, a succédé brusquement, non pas hélas !, l’âge d’argent, mais bien l’âge de fer dans son plus terrible prosaïsme.

 

On ne va pas s’enrichir en Californie. On n’y va pas même pour y vivre : on y va mourir.

 


Il est vrai que la mort s’y présente sous une certaine variété d’aspects :

On meurt par maladie,

On meurt de faim,

On meurt assassiné (c’est un de cas les plus fréquents),

On meurt fou de désespoir,

On meurt du suicide, manière d’en finir avec les illusions déçues, devenue très commune, dans ces derniers temps surtout.

 

Il n’y a guère que les hommes endurcis par une longue habitude des travaux pénibles, les matelots par exemple, qui résistent au travail des mines, ce travail meurtrier et la plupart du temps stérile, dont on se repose couché sur la terre, roulé dans quelques lambeaux de couverture qu’il faut se résoudre à partager avec les serpents.

 

Presque tous les émigrés reculent au premier aspect, ou après une courte épreuve, devant ce labeur écrasant, mortel, qui produit, terme moyen, quelque chose comme trois ou quatre piastres par jour, c'est-à-dire tout juste ce qu’il faut pour manger et se vêtir, au prix ou sont les denrées et les objets de première nécessité.

 

Au commencement de cette année, un certain nombre de nouveaux débarqués résolurent d’aller chercher fortune dans une contrée moins exploitée, dans les parages de la Trinité. Il a été impossible d’avoir aucune nouvelle de leur expédition. Ils ont disparu. On suppose qu’ils auront été engloutis dans les neiges, ou dévorés par les ours monstrueux qui infestent le pays.

 

Le manque de sécurité, le manque de police, si l’on veut, empêche de se livrer à la colonisation du sol, des plus fertiles cependant et d’une luxuriante végétation. Le nombre et l’audace des attaques à main armée sont tels, que personne n’ose se risquer à construire des fermes ou des établissements agricoles, isolés des centres de population, et voués d’avance à l’incendie et au pillage.

 

Dans les villes, à San Francisco même, qui compte au moins soixante mille habitants, le soin de la conservation personnelle est l’objet d’une inquiétude si vigilante, que l’on sort rarement de chez soi sans être muni au moins d’une paire de pistolets. Non pas que l’on soit positivement exposé à être assassiné à tout coin de rue, mais parce que la législation du pays autorise une foule de meurtres. Ainsi, il suffit qu’un individu, dans le cours d’une discussion animée, fasse le geste de vous menacer, ne fût-ce que de l’index, pour que vous ayez le droit de lui brûler publiquement la cervelle.

 

La latitude que de pareilles tolérances laissent à la vengeance d’un ennemi, ou à l’égarement d’un ivrogne, fait que tout le monde se tient sans cesse sur ses gardes.

 

Après avoir essayé les mines, les chercheurs d’or, rebutés par le mauvais succès de leurs efforts, se sentent incapables de supporter cette vie de rudes fatigues et de privations, se rabattent sur les villes, déjà encombrées de milliers d’oisifs, demandant à l’industrie, au commerce, à la charité publique, au jeu ou au vol le pain qu’ils n’ont pu obtenir du travail manuel.

 

Là les attend une misère tellement hideuse que nous renonçons à la décrire…

 

Le propriétaire du principal hôtel de Sacramento, l’Hôtel-de-France, a cent fois donné l’hospitalité à de malheureux travailleurs extenués de souffrance et de désespoir. Souvent, il en a recueilli qui étaient atteints d’aliénation. Leur folie était toujours la même : ils ramassaient le premier morceau de papier qui leur tombait sous la main, et le montraient joyeusement, comme un mandat d’une somme importante qu’ils avaient à recevoir, soit chez le consul français, soit dans une maison de banque ou de commerce, et qui devait les mettre à même de retourner dans leur patrie.

 

L’honorable témoin de qui nous tenons ces lugubres particularités, nous affirmait que, si une possibilité quelconque de revenir en France était offerte aux  émigrés, quatre vingt quinze sur cent imploreraient  à genoux cette faveur, n’importe à quelles conditions, dussent-ils payer leur passage en acceptant la besogne la plus repoussante à bord du bâtiment, dût encore la faim les attendre au seuil de la France ! Un ancien élève de l’école polytechnique se félicitait, avec une joie d’enfant, de pouvoir s’embarquer comme aide-de-cuisine, à bord d’une goëlette  faisant voile pour Valparaïso, d’où il espérait revenir au Havre, au prix des mêmes fonctions, sur un autre navire.

 

Nous demandions à l’une des personnes qui nous racontaient ces faits, homme d’humeur philosophique et d’énergie souvent éprouvée, si, dans le cours de ses deux années d’exil et de danger, il avait au moins rencontré quelques distractions, s’il avait ri quelquefois.

 

-- Rire ? répondit-il, on ne rit pas en Californie ; jamais je n’ai entendu fredonner un air, pas même un de nos chers refrains patriotiques. En public, on est sombre ; chez soi, on pleure !

 

On nous assure que le tableau que nous venons d’esquisser a été mis officiellement, avec des détails encore plus significatifs, et toutes les preuves à l’appui, sous les yeux de M. Léon Faucher, quand il s’est agi d’expédier en Californie le premier convoi des émigrants de la loterie des lingots d’or. Nous nous refusons à le croire. Il est impossible que M. Léon Faucher même soit capable d’envoyer sciemment, selon l’énergique expression de notre narrateur, ses compatriotes à une pareille boucherie. 


2021 02 26

*


 

 

el envío a California

 

LA REVOLUTION DE 1848

PERIODICO DEMOCRATICO DE SAONE-ET-LOIRE

 

Camille BERRU

 

La Révolution sale el MIERCOLES y el SABADO

 

 

VARIEDADES

 

California,

 

"Si tienes enemigos, incítalos a venir aquí; pero desanima a tus amigos."

(Carta de un inmigrado)

 

Ya protestamos  contra el envío a California de nuestros desdichados compatriotas que la miseria y la falta absoluta de recursos empujan ciegamente a perseguir cualquier destino.

 

Ahí van, sobre la fortuna de los trabajadores de este triste país, detalles que nos proporcionaron varias personas llegadas de San-Francisco desde hace algunos días, y que su honorable personalidad, su inteligencia observadora, y, en fin su larga estadía en California, hacen dignas de la mas completa confianza.

 

Desde hace ya tiempo, salimos de esta primera creencia que el oro chispeaba bajo cada piqueta, que se recogía a manos llenas, que bastaba, como se dice de manera corriente, agacharse para cogerlo. Ya no se da crédito, salvo confirmación auténtica a estos maravillosos hallazgos de yacimientos auríferos, suficientemente fecundos para enriquecer, como por milagro, a toda una columna de mineros.

 

Estos cuentos de Mil y una Noches entraron en el domino de la fantasía, la edad de oro volvió a ser un sueño mitológico. 

 

Algunas palabras, alrededor del origen de estas fabulosas historias.

 

Eran todas propagandas publicadas por los periódicos americanos, y uno sabe que no tienen rivales en el arte del puff, -- a cuenta de los hoteleros y de los restauradores de San-Francisco o de otros lugares a proximidad de los cuales habían tenido lugar las pretendidas hazañas. Los periódicos franceses, que presentaban de nuevo estas noticias con el propósito de interesar a sus lectores, se hacían, sin saberlo, los cómplices de los industriales californianos, y apoyaban con la mejor fe del mundo, su llamado a la credulidad y a la bolsa de naciones extranjeras.

 

Los ejemplos de fortunas realizadas son tan escasas, al contrario, que se nombra aún con admiración, en San Francisco mismo, donde uno podría estar hastiado de los episodios de este tipo, tres marineros que, en los primeros tiempos de la fiebre de las minas, lograron, después de varios meses de inauditos cansancio y penas, a juntar entre los tres un valor en lingotes de más o menos ciento cincuenta mil francos.

 

En la edad de oro, tan pomposamente celebrada en las estrofas de los primeros relatos, ha llegado de repente, no, lamentablemente!, la edad de plata, pero si, la edad de fierro en su más temible prosaísmo.

 

Uno no va a California para hacerse rico. Uno no va por allá ni siquiera para vivir: uno va por allá para morir.

  

Es cierto que, allá, la muerte se presenta sobre cierta variedad de aspectos:

 

Uno muere por enfermedad,

Uno muere de hambre,

Uno muere asesinado (es uno de los casos más frecuentes),

Uno muere loco de desesperación,

Uno muere del suicidio, manera de terminar con las ilusiones frustradas, llegada a ser muy común, especialmente en estos últimos tiempos.

 

Solamente los hombres endurecidos por una larga costumbre de los trabajos pesados, los marineros, por ejemplo, que resisten al trabajo en las minas, este trabajo asesino y la mayor parte del tiempo estéril, del cual uno descansa acostado sobre el suelo, envuelto en pedazos de frazadas que tiene que compartir con las serpientes.

 

Casi todos los emigrados retroceden de inmediato, o después de una prueba corta, delante de esta labor aplastadora, mortal, que produce, término medio, algo como tres o cuatro piastras por día, o sea justo lo necesario para comer y vestirse, considerando el precio de los productos y de las cosas de primera necesidad.

 

Al principio de este año, algunos de los nuevos desembarcados resolvieron ir a buscar fortuna en una región menos explotada, por el lado de la Trinidad. Nunca se supo de su expedición. Desaparecieron. Se supone que han sido engullidos en las nieves, o devorados por los osos monstruosos que infestan el país.

 

La falta de seguridad, la falta de policía, como se puede decir, impide dedicarse a la explotación de los suelos, sin embargo de los más fértiles y de exuberante vegetación. El número y la audacia de los atracos son tales que nadie se atreve a construir granjas o fincas agrícolas aisladas de los centros poblados, prometidas desde el inicio al incendio y al saqueo.

 

En las ciudades, en San Francisco mismo, que cuenta con un mínimo de sesenta mil habitantes, la seguridad personal es objeto de una preocupación tan vigilante que uno raramente sale de casa sin haberse premunido, por lo menos, de un par de pistolas. Sin que uno este realmente expuesto a ser asesinado en cada esquina, pero porque la legislación del país autoriza un sinfín de homicidios. Así es que, basta que un individuo, en el curso de una conversación animada, tenga un gesto al parecer amenazante - incluso con un solo dedo - para que Ud. tenga el derecho de quemarle públicamente el cerebro.

 

La libertad que tales tolerancias dan a la venganza de un enemigo, o al comportamiento de un borracho, tiene como consecuencia que cada uno esta siempre sobre aviso. 

 

Después de intentar con la minas, los buscadores de oro, desalentados por el mal resultado de sus esfuerzos, se sienten incapaces de soportar esta vida de grandes cansancios y de privaciones, vuelven a las ciudades, ya repletas de miles de ociosos, pidiendo a la industria, al comercio, a la caridad pública, al juego o al robo el pan que no han podido obtener del trabajo manual.

 

Ahí les espera una miseria tan horrorosa que renunciamos a describirla…

 

El dueño del principal hotel de Sacramento, el Hôtel-de-France, ha cien veces dado hospitalidad a infelices trabajadores extenuados de sufrimiento y de desesperación. Muchas veces acogió a unos atacados de alineación. Su locura era siempre la misma: recogían el primer papel que les caía en la mano, y lo mostraban de manera alegre, como mandato de una suma importante que iban a recibir, o donde el cónsul francés, o en una casa  de banca o de comercio, y que tenía que permitirles volver a su patria.

  

El honorable testigo de quien tenemos estas lúgubres particularidades, nos afirmaba que, si una cualquier posibilidad de volver a Francia fuera ofrecida a los emigrados, noventa y cinco por ciento de ellos implorarían de rodillas tal favor, cualesquiera que sean las condiciones, incluso si tuvieran que pagar su pasaje aceptando las tareas la más repelentes a bordo del barco, incluso con la perspectiva de tener hambre a la llegada a Francia!

 

Un ex alumno de la Escuela Politécnica se mostraba feliz como un niño de poder embarcar como ayudante de cocina a bordo de una goleta navegando rumbo a Valparaíso, de donde pensaba poder volver a Le Havre, asumiendo las mismas funciones sobre otro barco.

 

Preguntábamos a una de las personas que nos contaban estos acontecimientos, hombre de carácter filosófico y de energía muchas veces comprobada, si, en el curso de sus dos años de exilio y de peligro, había por lo menos tenido algunas distracciones, si se había reído algunas veces.

 

- Reírse? contestó él, uno no se ríe en California; nunca he escuchado canturrear un aire, ni siquiera una de nuestras queridas canciones patrióticas. En público uno es tenebroso; en casa, uno llora!

 

Nos aseguran que el retrato que acabamos de esbozar ha sido oficialmente puesto, con detalles aún más significativos, y con todas las pruebas correspondientes, bajo los ojos del Sr. Leon Faucher cuando se trató de expedir a California el primer convoy de emigrantes de la lotería de los lingotes de oro. Rehusamos creerlo. Es imposible que le Sr. Leon Faucher sea el mismo capaz de enviar, a sabiendas, según la enérgica forma de hablar de nuestro narrador, a sus compatriotas a tal matanza. 




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