thibaud (gaude-cousin)_ les temps d'avant


 

1821-…

Histoire de la famille Thibaud

 

Laurent SURMELY

 

d’après la correspondance (parcellaire) conservée dans la famille, les souvenirs de Marie-Louise Surmely née Tournoud et les recherches généalogiques réalisées par Bernard Marot.

  

Ce texte est une première esquisse, une ébauche, de l’histoire familiale. Elle est en chantier et forcément incomplète. Des petites recherches supplémentaires en archives seront nécessaires ainsi qu’un approfondissement du témoignage de Marie-Louise Surmely nécessaire. Ce premier récit a un seul mérite : dessiner les grandes lignes de l’histoire familiale. Il devra également être illustré des quelques photos en notre possession.

 

  

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Les origines familiales

 

Jean-Pierre Thibaud (1821-1872)

 

Comme quasiment 90% des habitants de la commune de Proveyzieux, Jean-Pierre était à la tête d’une exploitation agricole dans le petit hameau de Pomarey. L’agriculture seule ne pouvant faire vivre une famille en Chartreuse, Jean-Pierre exerçait également la profession de  voiturier. Sa femme, Marie Roget (née en 1826 dans la commune voisine de Saint-Laurent-du-Pont), qu’il épouse en 1845, en plus d’aider son mari sur l’exploitation familiale, était couturière en gants travaillant à domicile pour l’industrie gantière grenobloise, la première de France. Ils habitaient la maison familiale héritée du père de Jean-Pierre prénommé  Jean (né en 1784). D’après la mémoire familiale, elle était la fille d’un scieur de long habitant Saint-Pierre-de-Chartreuse, travaillant pour les chartreux à la fabrication de boîtes en bois pour les liqueurs, spécialité de certaines communes de Chartreuse entourant le monastère comme la commune de Proveyzieux.

 

Le couple eut neuf enfants : Marie (née en 1846), Jean-Pierre (né en 1848), Honorine (née en 1849), Anaïs (née en 1850), Adeline (née en 1852), Eulalie (née en 1854), Charles (né en 1855), Suzette (née en 1857) et Adrienne (née en 1852). D’après la mémoire familiale, six d’entre eux parvinrent à l’âge adulte.

 

 

L’exploitation familiale étant très certainement insuffisante pour faire vivre plus d’une famille, de manière traditionnelle, c’est le fils aîné, Jean-Pierre, qui hérite du domaine. Tous les autres enfants durent à l’âge adulte quitter la maison familiale. On leur a fait apprendre un métier et surtout on leur a cherché un bon parti pour les filles. Honorine fut couturière Grande rue à Grenoble, elle épousa tardivement  Mr Bon, veuf. Elle n'a pas eu d'enfant. Elle est décédée aux alentours de 1922-23. Sa sœur ainée Marie a épousé Mr Barnoud marchand de bois et propriétaire d'une scierie cours Jean-Jaurès (à l'époque cours Saint-André), il fait faillite pendant la première guerre mondiale, il décède en 1917. Une autre sœur, dont pour l’instant le prénom nous échappe habitait et était mariée à la Voûlte sur Rhône, elle a laissé une descendance. A travers les lettres de Charles, on sait par ailleurs qu’Anaïs est vivante en 1890.

 

 

 

Jean-Pierre Thibaud (1848-1900)

 

  

Etant le fils aîné, Jean Pierre succède à son père sur l’exploitation familiale qui comprend, outre des terres, également des forêts. En plus de l’agriculture, il est marchand de bois et de charbon de bois qu'il voiture avec des mulets et vend à Grenoble sur les quais (place Bérulle). Il fabrique le charbon de bois avec des ouvriers italiens qu'il embauche. La maison familiale est la maison actuelle de Marthe Tournoud, une pièce s'appelle "le magasin" témoignage de l'ancienne activité, il y stockait ses sacs de charbon.  Le bois qu’il achète est coupé par des bûcherons piémontais, qui viennent à peu près de Pâques à octobre. Le débardage de ce bois est assuré par Jean-Pierre lui-même avec ses bœufs ou ses mulets.

   

Il épouse en 1872 Marie Gaude-Cousin (1854-1936) originaire de Pomarey également. Comme sa belle-mère et beaucoup de proveysardes de ce temps-là, en plus des tâches ménagères et de l’aide qu’elle apporte à son mari, elle est également couturière en gants.

 

 

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Charles Thibaud (1855-1892) ou les débuts de l’aventure chilienne

  

 

Pour Charles, cadet des fils de Jean-Pierre et de Marie Roget, faute de place pour lui sur l’exploitation familiale, son avenir est ailleurs. Pour son père, l’objectif est soit de lui trouver un mariage avantageux sur la commune ou les communes voisines dans une exploitation dont l’héritier serait une fille, soit de lui procurer une situation à l’extérieur de la commune. Comme bien souvent, dans ces cas-là, on active les réseaux familiaux. Du côté de sa belle-famille, plusieurs membres de la famille Roget (ou Roger) sont implantés à Paris : l’oncle Pierre, le cousin Sylvain (qui décèdera dans sa propriété de Saint Laurent du Pont en 1899), le cousin Perrin et surtout l’oncle Victor Roget sont cités par Charles ou son neveu Jean-Pierre dans leur correspondance. Ce dernier joue apparemment un rôle majeur dans la vie des Thibaud. Victor possède à Paris, 16 rue du cloître-Saint-Merri (comme l’indique son papier à entête), un commerce et une propriété à la Voulte. D’après sa fiche militaire, au moment de son incorporation en 1876, Charles exerce la profession de commis et réside à Paris, sûrement aidé (voire formé) par son oncle avec lequel les relations restent étroites.

 

 

Charles est libéré des ses obligations militaires en 1881. Par recoupement entre quelques indices collectés dans ses lettres et par sa fiche militaire qui le déclare insoumis le 21 octobre 1882 (les émigrants du territoire national sont toujours déclarés comme tels par l'administration militaire), il apparaît que Charles a émigré au Chili très certainement en 1882. Comment arrive-t-il dans ce pays ? Nous l'ignorons. Ce que nous savons à travers ses lettres, c'est que presque dès son arrivée il exerce le métier de tanneur, spécialité des français et surtout des basques implantés dans ce pays. En septembre 1886, il est employé dans une tannerie à Chillan appartenant à un français nommé C Colin. Il demeure chez lui jusqu'en septembre 1889. Quelques mois plus tôt il avait épousé Louise Bartet Escobar française née au Chili (en 1871 à San Carlos).

 

En octobre de la même année, aidé (peut-être également financièrement) par son ancien patron Colin qui lui loue une tannerie à San Carlos, il fonde la "Curtiembre Francesa - Carlos Thibaut". En 1892, au moment où son neveu Jean-Pierre le rejoint, Charles est propriétaire d’une vaste maison et d’une tannerie, avec un magasin, employant 15 ouvriers et deux contremaîtres français. Les cuirs produits sont essentiellement destinés à la cordonnerie et à la sellerie. Charles et sa femme Louise assurent eux-mêmes la vente de leur production. En 1891, une petite fille prénommée Louise vient agrandir leur petite famille.

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Pierre (Pedro)

 

 

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Les difficultés financières de Jean Pierre et de Marie Gaude-Cousin

  

 

D’après les lettres de Charles, il apparaît que les affaires de son frère Jean-Pierre marchent très mal. Il a dû vendre tout son avoir, et sa femme, pour sauver le sien, a été obligée de demander une séparation de biens. Si l’on suit les remarques et les remontrances de son frère Charles, puis de son fils Jean-Pierre lorsqu’il sera au Chili, la cause de cette situation difficile est le penchant accentué de Jean-Pierre pour l’alcool, habitude qu’il conservera, malheureusement, jusqu’à sa mort en 1900. En 1889, Jean-Pierre a délaissé provisoirement son négoce de bois et de charbon pour s’employer et exercer un métier apparemment très dangereux en dehors de la commune de Proveyzieux. A partir de 1890, Jean-Pierre reprend son ancien négoce dans le bois et le charbon, cultive le domaine familial et, à partir de 1892 apparemment, voiture de la terre réfractaire (dont la Chartreuse est productrice) vers Grenoble. Mais les difficultés financières ne s’estompent pas. La famille n’arrive pas à rembourser une importante dette contractée auprès d’Alexandre Gaude en 1888.

 

 

Le départ de Jean-Pierre pour le Chili

  

En théorie, le jeune Jean-Pierre aurait dû reprendre l’affaire familiale. Mais face au désastre qui s’est produit, naît l’idée dès 1888, pour assurer son avenir, de l’envoyer auprès de son oncle Charles au Chili. Celui-ci conseille à son neveu et à son frère de lui procurer une bonne instruction, seul moyen de s’en sortir dans la vie avant d’envisager la suite. Jean-Pierre, le père se fait insistant auprès de Charles, surtout à partir de 1890. Mais ce dernier en pleine phase de démarrage et pas assez assis financièrement refuse de l’accueillir dans l’immédiat.

  

En novembre 1891, ses affaires commençant à marcher, Charles a besoin d’un homme de confiance et comme il le dit, il vaut mieux avoir quelqu’un de sa famille qu’un étranger pour le seconder. Son projet rencontre alors celui de son frère pour son fils. Charles finance et s’occupe d’organiser le voyage de son neveu avec l’aide de son oncle Victor Roget. Charles lui fait parvenir des fonds et des instructions pour que le voyage de son neveu, alors âgé de 17 ans, se passe au mieux. Jean-Pierre part de Pomarey en mars 1892, prend le train en gare de Grenoble et arrive le 27 chez son grand-oncle Victor. Il reste chez lui un peu plus d’une semaine. Victor, accompagné parfois de Vincent son jeune employé, lui fait visiter Paris et tous les membres de la famille demeurant dans la capitale (les cousins Sylvain et Perrin, la cousine Eugénie, l’oncle Pierre).

 

 Le 6 avril, il prend le train pour le port du Havre où il arrive à deux heures de l’après-midi. Il porte sa malle au bateau par un fiacre, dîne à l’hôtel Suisse puis visite la ville jusqu’à 9h du soir avec ses amis. Le lendemain à 10h, Jean-Pierre embarque pour 50 jours de traversée. Le 23 avril, après 13 jours de mer et un arrêt de deux jours à Pauillac (où il en a profité pour visiter Bordeaux avec ses voisins de cabine), il fait escale sur l’île de Saint-Vincent, dans les Antilles. Dans sa cabine, il cohabite avec deux coiffeurs de Paris qui vont à Santiago. Il débarque à Talcahuano le 31 mai après avoir passé le détroit de Magellan, puis prend le train pour Chillan. Une voiture le mène ensuite chez Colin l’ancien patron de Charles. Le lendemain, 1er juin, il prend le train pour San Carlos, il est accueilli à la gare par sa tante Louise, sa cousine et la grand-mère (mère de sa tante) qui lui apprennent la mauvaise nouvelle : Charles est décédé pendant sa traversée d’une maladie de foie contractée 6 ou 7 mois auparavant.

  

 

 

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L’apprentissage du métier de tanneur

 

 

Dès son arrivée, la tante Louise, qui dirige désormais la tannerie intègre Jean-Pierre à l’entreprise. Assurant plus particulièrement la commercialisation des produits, elle le prend tout d’abord à ses côtés, lui enseignant en premier lieu le métier de vendeur. Le faire démarrer par le magasin et la vente permet de familiariser Jean-Pierre avec les productions de la tannerie et de l’acclimater au plus vite au pays en l’obligeant à pratiquer l’espagnol. S’il le comprend assez vite, il mettra un peu plus longtemps à s’exprimer dans la langue de Cervantès. 

 

  

Dès le mois d’août 1892, en plus des ventes, Louise le confie aux deux contremaîtres français qu’elle emploie afin qu’il apprenne les méthodes de fabrication des cuirs. Mais le travail de contremaître étant très polyvalent, très vite il apprend à, à peu près, tout faire. Les journées sont longues. Il travaille de 5 heures du matin (lever à 4 heures) jusqu’à 18 heures du lundi au samedi. Seul jour de repos : le dimanche. A partir du mois de décembre 1892, Jean-Pierre voit son rôle s’élargir en devenant contremaître. Les deux précédents quittent l’entreprise, un pour faire le majordome à Talcahuano, l’autre pour s’établir comme revendeur de cuirs. Jean-Pierre étant désormais capable de tenir un de ces postes, Louise ne rembauche qu’un nouveau contremaître français d’origine basque avec lequel les relations seront toujours difficiles. Parallèlement, il aide toujours, le lundi, le mardi et le mercredi, sa tante au magasin car ce sont les trois plus gros jours de vente. Mais son rôle ne s’arrête pas là. L’été arrivant, certains dimanches, en famille avec la tante Louise, sa mère, sa sœur Julie et son jeune frère Edmond, ils se rendent tous à cheval, sauf la mère en voiture attelée, dans les montagnes chez de riches éleveurs afin d’acheter la matière première nécessaire au bon fonctionnement de l’établissement.

 

  

En février 1893, le rôle de Jean-Pierre, que tout le monde appelle Pierre, s’accroît encore. Le contremaître embauché au mois de décembre précédent n’ayant pas donné satisfaction, et avec lequel ni Louise ni Jean-Pierre ne s’entendaient, est licencié. Aucun nouveau contremaître n’ayant été recruté faute d’offre (apparemment les contremaîtres français, en dehors des basques qui envahissent le Chili selon les dires de Jean-Pierre, sont rares et recherchés), Louise et Jean-Pierre font fonctionner la tannerie seuls. Louise assure la commercialisation des produits avec le renfort de Jean-Pierre quand le besoin s’en fait sentir, Jean-Pierre s’occupe de la fabrication et de la gestion des ouvriers, tous chiliens. Les journées de travail s’allongent un peu plus. Il est présent dès 4 heures du matin pour sonner la cloche et faire entrer les ouvriers dans l’établissement et poursuit sa journée jusqu’à 19 heures. Journées d’autant plus longues que le travail ne manque pas, la conjoncture depuis son arrivée étant apparemment très favorable pour le commerce du cuir. Ils accueillent parfois de 10 à 20 acheteurs quotidiennement, vendent pour 5 à 600 piastres de marchandise par jour. Ils manquent en permanence de produits finis, ils ne sont pas encore terminés que déjà ils sont vendus. Jean-Pierre est impressionné par l’argent gagné. Il s’enthousiasme pour ce métier très lucratif. Dès le mois d’août 1892, il conseille même à ses parents de dire à (son ami ?) Jules qu’il n’ait pas peur de venir au Chili.

  

 

 

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Un univers quotidien étroit

  

 

Jean-Pierre vit un peu dans un monde clos. Son univers quotidien se borne géographiquement à la tannerie et socialement à la famille Bartet, famille française implantée au Chili depuis un certain nombre d’années. Ce milieu familial compte sa jeune tante par alliance Louise Bartet, veuve de Charles Thibaut, sa petite fille Louise, la mère de Louise (que malheureusement Jean-Pierre ne prénomme jamais), apparemment veuve Bartet  (il n’est jamais fait mention de son mari dans aucune lettre) avec ses autres enfants Julie et Edmond (âgé de 12 ans en 1892). Ce dernier quittera assez rapidement (en février 1893) la tannerie pour poursuivre sa scolarité comme pensionnaire dans le collège français de Santiago. Même si Jean-Pierre s’entend bien avec sa belle-famille, qui lui a fait un bon accueil, il se sent un peu seul. Son oncle étant décédé, il ne connaît personne. Il se raccroche d’autant plus à sa très jeune nièce Louise qu’elle seule est une Thibaut. Il sera très touché par son décès survenu dès la fin août 1892, moins de trois mois après son arrivée, le laissant seul, très loin de Pomarey et de sa famille.

   

La seule personne connue avant son départ qu’il rencontre dans ce pays est Jean-Pierre Sorrel, originaire de Proveyzieux comme lui, du hameau voisin du sien, le Guâ, et ami proche de la famille Thibaut puisque ses parents demandent avec insistance et souvent de ses nouvelles. Dès son arrivée, Louise prend la peine d’écrire à Jean-Pierre Sorrel pour lui signaler son arrivée, preuve sûrement que la venue dans ce pays de ce dernier est liée à celle de Charles Thibaud. En septembre 1892, Jean-Pierre Sorrel vient rendre visite à Jean-Pierre et lui raconte ses aventures depuis son arrivée au Chili. Jean-Pierre rapporte que Jean-Pierre Sorrel  commença par travailler dans une fabrique de drap dans laquelle il avait investi environ 300 piastres. Il envisageait de se mettre à son compte lorsque la fabrique fit faillite. Il perdit ainsi son argent et devint "patron-jardinier" au service d’un grand propriétaire, poste qu’il occupe toujours au moment de sa venue à San Carlos. Il est marié, sa femme est cuisinière et il a 2 enfants.

 

 L’univers familial ne se borne pas cependant à la seule tannerie. La sœur ainée de Louise, Berthe, est mariée avec un français du nom de Calmel. Ils habitent à environ une heure de Santiago. Ils sont propriétaires d’un vignoble qui produit, selon les dires de Jean-Pierre, plus de 500 hectolitres de vin. Ils produisent un vin doux que l’on laisse très peu fermenter et que l’on vend sucré. La vente est assurée à Santiago par le frère du mari. Ils ont cinq enfants : trois garçons et deux filles. Les deux plus grands, des garçons, sont scolarisés dans un collège en France, à Toulouse. Les liens et les relations avec Berthe et sa famille sont apparemment réguliers. En février-mars 1893, Louise, Julie et Berthe sont parties ensemble quelques jours aux bains (sûrement à la mer). Durant la semaine sainte 1893, Jean-Pierre passe ses huit jours de congés chez eux alors qu’ils sont en pleines vendanges. Il en profitera pour visiter Santiago avec Edmond alors certainement en vacances scolaires.

  

 

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Un cercle d’amitié français

  

Ses contacts avec l’extérieur de la tannerie sont rares. Ils se limitent aux ouvriers, tous chiliens, qui travaillent dans l’établissement avec lesquels il a certainement peu de relations dans la mesure où on ne se mélange pas avec des gens "dépourvus de civilisation" pour reprendre ses propres mots. Les relations sont plus suivies avec certains clients, des fermiers pour la plupart, dont il fait connaissance lorsqu’il endosse le costume de vendeur. Ces fermiers des montagnes alentours achètent souvent des morceaux de cuir pour s’en faire de pauvres sandales et, qui contre une remise ou des avantages, lui apportent des œufs, des fleurs, des melons ou l’invitent à déjeuner le dimanche chez eux, ce à quoi Jean-Pierre se prête volontiers.

 

Mais ces relations restent cependant très limitées. Le cercle de relations de Jean-Pierre, en dehors de la famille Bartet, se limite à un milieu presque exclusivement français. Au quotidien, jusqu’en février 1893, ce sont d’abord les contremaîtres employés par la tante. Si les relations semblaient bonnes avec les deux premiers, elles devaient être très restreintes avec le dernier, Jean-Pierre ne s’entendant pas du tout avec lui.

 

Il élargit surtout son horizon et son cercle de relations le dimanche, seul jour de repos de la semaine. Les premiers temps, la tante Louise, afin qu’il ne reste pas seul, invite régulièrement à la tannerie quatre jeunes français à peine plus âgés que lui associés dans un magasin de nouveautés établi à San Carlos. Avec eux, il se distrait à la tannerie et dans le jardin familial, fait de longues promenades à cheval, parfois dans San Carlos, et s’initie à la chasse.  Parties de chasse et visites des grandes fermes dont il connaît les propriétaires deviennent ses principales distractions, la ville de San Carlos n’offrant que peu d’occasion de se détendre. A partir de l’hiver 1893, il fréquentera cependant assez régulièrement un grand hôtel de San Carlos où il joue au billard, "le seul respectable" car les autres endroits sont fréquentés par les ouvriers avec lesquels on ne se mélange pas, lieux de distraction où l’on joue au "palitroque" (jeux de quilles) et à la "pelota" (pelote). La semaine sainte 1893 est l’occasion enfin de briser cet horizon limité. Les huit jours passés chez la cousine Berthe sont l’occasion de visiter enfin Santiago et surtout de rendre visite aux deux coiffeurs parisiens, employés dans la plus grande perruquerie française de la capitale qui compte 15 salariés, rencontrés sur le bateau lors de son voyage avec lesquels il s’était lié d’amitié.

 

Outre le voyage à Santiago qui demeurera exceptionnel, les occasions de sortir de son univers quotidien et de se distraire autrement sont les fêtes apparemment assez nombreuses en période estivale. En fin d’hiver, c’est tout d’abord les fêtes nationales (18-20 septembre), puis les beaux jours de l’été faisant leur apparition, il assiste aux nombreuses courses de chevaux dominicales, se rend au cirque (en janvier 1893), assiste aux nombreuses fêtes des moissons, multiplie les parties de chasse avec ses amis (au bœuf sauvage notamment) et part, le dimanche, avec  3 ou 4 compagnons randonner à cheval. Durant cette saison où les festivités sont nombreuses, le jour de l’an, qui en France est une fête importante, passe presque inaperçu. Jean-Pierre, pour le jour de l’an 1893, le premier qu’il passe au Chili, est très déçu car contrairement à ce qui se passe à Pomarey, rien de spécial n’est organisé. En hiver, hormis les fêtes nationales chiliennes du mois de septembre, seule la fête du 14 juillet qui réunit tous les français de San Carlos pour un dîner et un bal, vient un peu égayer cette triste période de l’année. 

 

 

La découverte du pays

 

Tout est nouveau pour Jean-Pierre. Il découvre à la fois un métier, la tannerie, et un nouveau pays complètement différent de sa Chartreuse natale. La découverte du pays, cependant, ne se fera que progressivement. Il lui faudra attendre presque deux mois pour enfin découvrir la petite ville de San Carlos qui ne l’enthousiasme pas vraiment, n’y trouvant aucune distraction et n’y trouvant rien de beau. Ses premières impressions de sa nouvelle terre d’accueil ne sont pas très positives. Il est vrai qu’il arrive au Chili en plein hiver. Les pluies sont quasi continuelles, la boue envahit tout, les températures sont froides. Le climat n’est pas le seul point négatif de ce pays. Ses habitants n’ont guère de crédit aux yeux de Jean-Pierre. Il a débarqué dans un pays sans civilisation, les chiliens, pour lui, sont nonchalants, peu travailleurs et un peu "voleurs". Même si les européens ont une image largement plus positive, il leur reproche cependant leur culture excessive du paraître et du luxe qui leur font dépenser, notamment en habillement, des fortunes considérables, les vêtements venant presque tous d’Europe. Jean-Pierre, à son grand regret, est obligé, pour tenir son rang, de faire de même.

 

En revanche, il est surpris et s’émerveille de cette civilisation, de cette culture et de ce pays où le cheval est omniprésent. Tous les déplacements se font montés sur le meilleur ami de l’homme, la plupart des distractions se font avec ou en lien avec des chevaux. Apparemment, le clou du spectacle de la fête nationale sont ses courses de chevaux (et ses rodéos) auxquelles Jean-Pierre assiste, participant même à au moins une d’entre-elles avec Edmond en 1892. Ces festivités furent la première occasion pour Jean-Pierre de sortir un peu loin de la tannerie et de voir du monde autre qu’en cercle restreint. Puis, le mois de novembre arrivant, le climat devient plus clément, les pluies se font plus rares, la boue commence à disparaître. L’hiver touche à sa fin, les impressions de Jean-Pierre se font plus positives. Maintenant le dimanche, lorsqu’il n’est pas requis par la tante pour acheter des cuirs chez les grands propriétaires, avec Edmond, son jeune beau-frère, en plus des promenades à cheval, ils assistent à des courses de chevaux, assez nombreuses. Désormais il est fasciné et impressionné par l’immensité de ce pays comparé à l’exiguïté de ses montagnes natales. C’est avec émerveillement qu’il découvre une région où certains domaines de grands propriétaires sont aussi grands que sa commune natale de Proveyzieux.

 

Avec le mois de décembre, les fortes chaleurs font leur apparition mais les nuits demeurent particulièrement froides. Les divertissements sont désormais nombreux car c’est le moment des récoltes. Tous les soirs, avec Edmond, ils assistent au battage des blés dans les propriétés alentours. La manière de fouler et de vanner l’étonne. Contrairement à la manière de procéder en Chartreuse, les épis de blés ne sont pas récoltés et transportés en gerbes mais en vrac. Ils sont ensuite déposés près d’un vaste enclos qui sert d’aire de battage en un énorme tas. Le foulage est alors réalisé par 4 ou 5 chevaux montés pardes cavaliers qui tournent dans l’enclos dans lequel petit à petit sont étalés les épis à fouler. Tout le monde se rassemble autour de cette aire improvisée criant pour faire galoper les chevaux, des filles, perchées au sommet du tas d’épis, animant cette opération en chantant et en jouant de la guitare. Le blé est ensuite vanné par des hommes équipés d’un trident qui jettent les grains et la paille en l’air, le vent se chargeant de les séparer.

 

A la fin de l’été en avril 1893, Jean-Pierre déclare à ses parents que finalement il s’est fait au pays même si les premiers temps ont été durs. 


2016 12 09

 

 

 

 

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Historia de la familia Thibaud

 

Laurent SURMELY

 

constituida según la correspondencia (parcial) conservada por la familia, los recuerdos de Marie Louise de Surmely y las investigaciones genealógicas realizadas por Bernard Marot.

  

 

Este texto es un primer esbozo de la historia familiar. Está esta por hacerse, y, por consiguiente, incompleta. Será necesario realizar algunas investigaciones complementarias en los archivos, así como, también profundizar el testimonio de Marie Louise Surmely. Este primer relato tiene un solo mérito: dibujar las grandes líneas de la historia familiar. Tendrá que ser ilustrado con las fotos que están en nuestra posesión.

 

 

 Los orígenes familiares

 

Jean-Pierre Thibaud (1821-1872)

 

Como casi el 90% de los habitantes de la comuna de Proveyzieux, Jean Pierre dirigía una explotación agrícola en la pequeña aldea de Pomarey. Como una familia no podía vivir  solamente de la agricultura en  Chartreuse, Jean Pierre ejercía también la profesión de cochero. Su esposa Marie Roget (nacida en 1826 en la comuna vecina de Saint-Laurent-du-Pont), con quien se casa en 1845, le ayuda en su explotación agrícola y además ejerce, a domicilio,  como costurera de guantes para la industria de Grenoble, la primera de Francia. Vivian en la casa familiar heredada del padre de Jean Pierre, llamado Jean (nacido en 1784). Según  la memoria familiar, Marie Roget era la hija  de un chiquichaque (aserrador) que vivía en Saint-Pierre-de-Chartreuse y que trabajaba para los habitantes del lugar en la fabricación de cajas de madera para los licores, especialidad de ciertas comunas  de la Chartreuse, las que rodean el monasterio, como la comuna de Proveyzieux.

 

La pareja tuvo nueve hijos: Marie (nacida en 1846), Jean Pierre (nacido en 1848), Honorine (nacida en 1849), Anaïs (nacida en 1850), Adeline (nacida en 1852), Eulalie (nacida en 1854), Charles (nacido en 1855), Suzette (nacida en 1857) y Adrienne (nacida en 1862). Según la memoria familiar, seis de entre ellos llegaron a la edad adulta.

   

Como la explotación familiar resultaba seguramente insuficiente para hacer vivir a más de una familia es, de manera tradicional, el hijo mayor, Jean Pierre, quien hereda del dominio. Todos los otros hijos debieron, a la edad adulta, abandonar la casa familiar. Se les hizo aprender un oficio, y sobre todo, a las hijas, se les buscó "un buen partido" para casarse. Honorine fue costurera en la calle principal de Grenoble, se casó tardíamente con un viudo, el Sr. Bon. No tuvo hijos. Murió cerca de 1922/1923. Su hermana mayor, Marie, se casó  con el Sr. Barnoud,  comerciante en madera y propietario de un aserradero, Cours Jean-Jaures, en Grenoble (en esa época, Cours Saint-André). Quiebra durante la primera guerra mundial y fallece en 1917. Otra hermana, cuyo nombre no recuerdo por ahora, vivió  y se casó en La Voulte-sur-Rhône. Dejó descendencia. A través de las cartas de Charles, se sabe que Anaïs estaba viva en 1890.

 

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Jean-Pierre Thibaud (1848-1900)

  

 

Siendo el hijo mayor, Jean Pierre sucede a su padre en la explotación agrícola familiar que comprende, además de tierras, igualmente bosques. Además de la agricultura, él es comerciante de madera y carbón de leña que él transporta con sus mulas y vende en Grenoble en los muelles (place Berulle). El fabrica el carbón de leña con obreros italianos que él contrata. La casa familiar es la casa actual de Marthe Tournoud, una de las piezas se llama "el almacén" y testimonia de la antigua actividad. Ahí almacenaba sus sacos de carbón. La madera que él compra, la cortan los leñadores piamonteses, que llegan más o menos entre Pascuas de Resurrección  y Octubre. El transporte de los árboles, lo realiza él mismo Jean Pierre con sus bueyes y sus mulas.

   

Se casa en 1872  con Marie Gaude-Cousin (1854-1936) originaria también de Pomarey. Como su suegra y muchas mujeres de Proveyzieux  de aquella época, además de realizar las tareas domésticas y de ayudar a su marido, Marie es también costurera de guantes.

 

  

Charles Thibaud (1855-1892) o el principio de la aventura chilena

 

  

Para Charles, segundo hijo de Jean Pierre y de Marie Roget, faltando un lugar para él en la explotación familiar, su porvenir está en otro lugar. Para su padre, el objetivo es, o encontrarle un matrimonio ventajoso en la comuna o en las comunas vecinas, en una explotación donde la heredera fuera una mujer, o procurarle una situación fuera de la comuna. Como sucede a menudo, se activan los lazos familiares. Por el lado de la familia de su esposa, varios miembros  de la familia Roget (o Roger) están implantados en Paris : el tío Pierre, el primo Sylvain (que fallecerá en su propiedad de Saint-Laurent-du-Pont en 1899), el primo Perrin y sobretodo el tío Víctor Roget son citados por Charles o su sobrino Jean Pierre, en sus correspondencias. Este último desempeña aparentemente un rol fundamental en la vida de los Thibaud. Victor posee en Paris, 16 rue du Cloitre-Saint-Merri  (como lo indica el membrete de sus correspondencias), un comercio y una propiedad en la Voulte. Según su ficha militar, en el momento de su incorporación en 1876, Charles ejerce la profesión de ayudante y reside en Paris, seguramente apoyado (incluso capacitado) por su tío con quien las relaciones permanecen estrechas.

 

 

Charles es liberado de sus obligaciones militares en 1881

Interpretando algunos indices recogidos en sus cartas y poo su ficha militar que le declara insumiso el 21 de octubre de 1882 (los emigrantes, ausentes del territorio nacional, son siempre declarados como tales por la administración militar) aparece que Charles emigró a Chile casi seguramente en 1882. Cómo llega a este país? Nosotros lo ignoramos. Lo que sabemos a través de sus cartas, es que, prácticamente desde su llegada, ejerció el oficio de talabartero, especialidad de los franceses y sobretodo de los Vascos, implantados en este país. En Septiembre de 1886, él es empleado en una curtiembre en Chillán, que pertenece a un francés llamado C. Colin. El permanece con él hasta septiembre 1889. Algunos meses antes se había casado con  Louise Bartet Escobar, francesa nacida en Chile (en 1871 en San Carlos).

 

En Octubre del mismo año, ayudado (quizás financieramente también) por su antiguo patrón Colin quien le arrienda una curtiembre en San Carlos, crea la "Curtiembre Francesa - Carlos Thibaut". En 1892, en momentos en que su sobrino Jean Pierre se une a él, Charles es propietario de una amplia casa  y de una curtiembre, con un almacén, que emplea 15 obreros y 2 contramaestres franceses. Los cueros producidos son destinados preferentemente a la zapatería  y a la guarnicionería. Charles y su esposa Luisa venden ellos mismos sus producciones. En 1891, una hijita llamada Luisa viene a agrandar su pequeña familia.

 

 

Jean-Pierre (Pedro)

  

 

Las dificultades financieras de Jean Pierre y de Marie Gaude-Cousin

 

Según las cartas de Charles, aparece que los negocios de su hermano Jean Pierre no andan nada de bien. Debió vender todas sus pertenencias, y su mujer, para salvar lo suyo, se vió obligada a pedir una separación de bienes. Si escuchamos las observaciones y amonestaciones de su hermano Charles, y luego las de su hijo Jean Pierre cuando él se encontró en Chile, la causa de esta situación difícil es la inclinación acentuada de Jean Pierre  por el alcohol, costumbre que conservará, desgraciadamente, hasta su muerte en 1900. En 1889, Jean Pierre dejó de lado, provisoriamente su negocio de venta  de leña y carbón para emplearse y ejercer un oficio aparentemente muy peligroso fuera de la comuna de Proveyzieux. A partir de 1890, Jean Pierre vuelve a su negocio anterior en la leña y en el carbón, cultiva el dominio familiar, y, a partir de 1892, aparentemente, acarrea minerales de la Chartreuse hacia Grenoble. Pero las dificultades financieras continúan. La familia no alcanza a reembolsar una importante deuda contraída con Alexandre Gaude en 1888.

 

 

La partida de Jean Pierre para Chile

 

En teoría  el joven Jean Pierre debería haber retomado el negocio familiar. Pero frente al desastre que se habíaproducido, nace la idea, desde 1888, para asegurarle un futuro, de enviarlo cerca de su tío Charles a Chile. Este aconseja a su sobrino y a su hermano para que le procuren una buena instrucción, única manera de salir adelante en la vida, antes de pensar en otra cosa. Jean Pierre el padre insiste mucho a Charles, sobretodo a partir de 1890. Pero este último, en plena fase de despegue, y no suficientemente seguro  en el plan financiero, rehúsa recibirlo de inmediato.

 

En Noviembre 1891 - sus negocios comienzan a prosperar - Charles necesita a un hombre de confianza, y como él lo dice, más vale tener a alguien de su familia que a un extranjero para secundarlo. Su proyecto encuentra entonces el de su hermano para su hijo. Charles financia y se preocupa de organizar el viaje de su sobrino con la ayuda de su tío Víctor Roget. Charles le hace llegar los fondos e instrucciones  para que el viaje de su sobrino, en este momento de 17 años de edad, tenga lugar en condiciones óptimas. Jean Pierre parte de Pomarey en Marzo de 1992, toma el tren en la estación de Grenoble y llega el 27 donde su tío abuelo Víctor. Se queda en su casa  un poco más de una semana. Víctor, a veces acompañado de Vicent, su joven empleado, le hace visitar Paris y todos los miembros de la familia que permanecen en la capital (los primos Sylvain y Perrin, la prima Eugénie, el tío Pierre).

 

El 6 de Abril, toma el tren para ir al puerto de Le Havre donde llega a las 2 de la tarde. Lleva su maleta al barco en coche, cena en el Hôtel Suisse, y después visita la ciudad hasta las 21 horas con sus amigos. Al día siguiente, a las 10 horas, Jean Pierre embarca para una travesía de 50 días. El 23 de Abril, después de 13 días de mar y una parada de 2 días en Pauillac (donde aprovechó de visitar la ciudad de Bordeaux con sus vecinos de cabina), hace escala en la isla de Saint-Vincent, en las Antillas. En su cabina cohabita con dos peluqueros de Paris que van a Santiago. Desembarca en Talcahuano el 31 de Mayo después de haber atravesado el estrecho de Magallanes, y luego, toma el tren para Chillán. Un coche lo lleva después donde Colin, el antiguo patrón de Charles. Al día siguiente, toma el tren para San Carlos. Lo espera en la estación su tía Luisa, su prima, y la abuela (madre de su tía) quienes le dan la mala noticia: Charles murió durante la travesía de una enfermedad al hígado contraída 6 o 7 meses antes.

  

El aprendizaje del oficio de curtidor

 

Desde el momento de su llegada, la tía Louise, que dirige en ese entonces la curtiembre, integra a Jean Pierre a la empresa. Siendo ella quien asegura de manera particular la comercialización de los productos, lo pone al principio cerca de ella, enseñándole, en primer lugar, el oficio de vendedor. Haciéndolo empezar por el almacén y la venta, permite a Jean Pierre familiarizarse con los productos de la curtiembre, y aclimatarse lo más pronto posible al país, al obligarlo así a practicar el español. Si bien es cierto que el entenderá y comprenderá esta lengua bastante rápidamente, le llevará un poco más de tiempo poder expresarse en la lengua de Cervantes.

 

Desde el mes de agosto de 1892, además de la venta, Louise lo confía a los dos contramaestres franceses empleados por ella, con el fin de que él aprenda los métodos de fabricación de los cueros. Siendo el trabajo de contramaestre muy polivalente él aprende muy rápidamente a hacer prácticamente todo. Las jornadas son largas. Trabaja desde las 5 de la mañana (levantada a las 4) hasta las 18, de lunes a sábado. Único día de reposo: el domingo. A partir del mes de Diciembre de 1892 se amplían sus tareas, y  Jean Pierre llega a ser contramaestre. Los dos anteriores dejan la Empresa, uno para ser mayordomo en Talcahuano, y el otro para establecerse como vendedor de cueros. Siendo desde ahora Jean Pierre capaz de desempeñarse solo, Louise no vuelve a contratar a dos empleados, sino a uno solo, francés y de origen Vasco, con el cual las relaciones serán siempre difíciles. Paralelamente él continúa de ayudar en el almacén a su tía los días lunes, martes y miércoles, que son los días más importantes de ventas. Pero su papel no se restringe a esto. Durante el Verano y ciertos domingos en familia, con la tía Louise, su madre, su hermana Julie y su hermano menor Edmond, van todos a caballo, salvo la madre, que parte en coche con caballo, a las montañas a casa de ricos ganaderos, con el fin de comprar la materia prima necesaria al buen funcionamiento del establecimiento.

 

En Febrero de 1893, el papel de Jean Pierre, a quién  todos llaman Pierre, no hace más que crecer. El contramaestre contratado en el mes de Diciembre anterior no dio resultados satisfactorios y fue despedido. Además ni Louise ni Jean Pierre se entendieron bien con él. Ningún otro contramaestre será contratado, a falta de proposiciones (aparentemente los contramaestres franceses, aparte de los Vascos que invaden Chile, según lo que cuenta Jean Pierre, son  escasos, y muy solicitados) y  Louise y Jean Pierre harán funcionar la Curtiembre solos. Louise asegura la comercialización de los productos con la ayuda de Jean Pierre cuando ésta es necesaria, Jean Pierre se ocupa de la fabricación y de la gestión de obreros, todos chilenos. Las jornadas de trabajo se alargan más. El está presente a partir de las 4 de la mañana, para tocar la campana y hacer entrar a los obreros al establecimiento, y continúa su trabajo hasta las 19. Las jornadas son tanto más largas que el trabajo no falta. La coyuntura económica desde su llegada es en apariencia muy favorable para el comercio del cuero. Reciben a veces entre 10 y 20 compradores por día, venden por un monto de 5 a 600 ­­­piastras de mercadería por día. Permanentemente les faltan productos terminados. Aún no están terminados que ya se han vendido. Jean Pierre está impresionado de la cantidad de dinero ganado. Se entusiasma por este oficio tan lucrativo. Desde el mes de Agosto 1892, aconseja incluso a sus padres para que digan a (su amigo?) Jules, que no tenga miedo de venir a Chile.

 

Un universo cuotidiano estrecho

  

Jean Pierre vive en un universo cerrado. Su mundo diario se limita geográficamente a la Curtiembre y socialmente a la familia Bartet, familia francesa instalada en Chile desde hace un cierto número de años. Este medio familiar cuenta a su joven tía por alianza, Louise Bartet, viuda de Charles Thibaud, a su pequeña hija Louise, a la madre de Louise (que desgraciadamente Jean Pierre no  nombra  nunca), aparentemente viuda de Bartet  (nunca se hace mención de su marido en ninguna carta) y de otros niños suyos Julie y Edmond, de 12 años en 1892. Edmond dejará rápidamente la Curtiembre (en Febrero 1893) para terminar su escolaridad como pensionista en el colegio francés de Santiago. Incluso cuando Jean Pierre se entiende bien con la familia que lo ha acogido, se siente un tanto solo. Fallecido su tío, no conoce a nadie. Se apega mucho a su joven sobrina Luisa Preciosa, puesto que es ella la única Thibaud. Le afectará enormemente su muerte acaecida a finales de Agosto de 1892, a menos de tres meses después de su llegada a Chile, dejándolo solo y muy lejos de Pomarey y de  su familia.

 

La única persona conocida antes de su partida y que él va a encontrar en este país, es Jean Pierre Sorrel, originario de Proveyzieux como él, de la aldehuela vecina a la suya, le Guâ, y amigo próximo de la familia Thibaud, puesto que sus padres preguntan con insistencia y muy a menudo, noticias de él. Desde su llegada, Louise, se toma el trabajo de escribirle a Jean Pierre Sorrel para ponerle al tanto, prueba seguramente que la venida a este país de este último, está ligada a la de Charles Thibaud. En Septiembre de 1892, Jean Pierre Sorrel viene a visitar a Jean Pierre y le cuenta sus aventuras desde su llegada a Chile. Jean Pierre cuenta que Jean Pierre Sorrel comenzó trabajando en una Fábrica de paños en la cual había invertido cerca de 300 piastras. Intentaba ponerse a su cuenta, cuando la Fábrica quebró. Perdió así su dinero y se transformó luego en "patrón jardinero" al servicio de un gran propietario, lugar que ocupa aún al momento de su venida a San Carlos. Está casado, su mujer es cocinera y tiene 2 hijos.

 

El universo familiar no se limita sin embargo a la sola Curtiembre. La hermana mayor de Louise, Berthe, es casada con un francés, de apellido Calmel. Viven a cerca de una hora de Santiago. Son propietarios de un viñedo que produce, según cuenta Jean Pierre, más de 500 hectolitros de vino. Es una producción de vino dulce, que no dejan fermentar mucho tiempo, y que venden azucarado. La venta de éste la asegura, en Santiago, el hermano del marido. Tienen 5 hijos: tres niños y dos niñas. Los dos mayores están escolarizados en un colegio en Francia, en Toulouse. Los lazos y las relaciones con Berthe y su familia son, en apariencia, regulares. En Febrero-Marzo 1893, Louise, Julie et Berthe partieron juntas algunos días a los baños (seguramente al mar). Durante la Semana Santa 1893, Jean Pierre pasa sus 8 días de feriado en casa de ellos, en circunstancias que ellos están en pleno periodo de vendimias. El aprovechará para visitar Santiago con Edmond, seguramente de vacaciones escolares.

 B 

Un círculo de amistad francés

   

Sus contactos con el exterior y fuera de la Curtiembre son escasos. Se limitan a los obreros, todos chilenos, que trabajan en el establecimiento y con los cuales el tiene seguramente pocas relaciones en la medida en que uno no se mezcla con gente "deprovista de civilizacion", para emplear sus propios terminos. Las relaciones son más seguidas con ciertos clientes, hacendados en su mayoria, y a quienes conoce mientras asume sus responsabilidades de vendedor. Estos hacendados de las montañas de los alrededores compran a menudo pedazos de cuero para confeccionarse con ellos unas pobres sandalias, y que contra una rebaja u otras ventajas, le traen huevos, flores, melones o lo invitan a almorzar el domingo a sus casas, a lo cual Jean Pierre accede con gusto.

 

Pero estas relaciones permanecen bastante limitadas. El círculo de relaciones de Jean Pierre, aparte de la familia Bartet, se limita a un medio casi exclusivamente francés. Diariamente y hasta Febrero 1893, son primero los contramaestres empleados por la tía. Si las relaciones parecían buenas con los dos primeros, se volverán muy restringidas con el último. Jean Pierre no se entendió para nada con él.

 

Es sobretodo el domingo que Jean Pierre va a ampliar sus horizontes y su círculo de amigos, siendo este día el único día de reposo de la semana. En los primeros tiempos, la tía Louise, con el fin de que él no se quede solo, invita regularmente a la Curtiembre a cuatro jóvenes franceses, apenas un poco mayores que él, y que son socios en un almacén de novedades establecido en San Carlos. Con ellos se distrae en la Curtiembre y en el Jardín familiar, hace largos paseos a caballo, a veces en San Carlos y se inicia en la caza. Partidas de caza y visitas a las haciendas de las que conoce a sus dueños llegan a ser sus principales distracciones. La cuidad de San Carlos ofrecía pocas ocasiones de descanso. A partir del  Invierno 1893 Jean Pierre se pone a frecuentar regularmente un gran Hotel de San Carlos, donde va a jugar al billar, "el único respetable" pues los demás son frecuentados por los obreros, con los cuales uno no se mezcla, lugares de distracción donde se juega al  "palitroque" y a la "pelota". La semana Santa 1893 es la ocasión de cortar con este horizonte limitado. Los ocho días pasados donde la prima Berthe son la ocasión de visitar por fin Santiago y sobretodo, de hacerles una visista a los dos peluqueros parisinos, empleados en la más grande tienda de pelucas francesa de la capital, que emplea a 15 asalariados, encontrados en el barco durante el viaje y con quienes se había hecho amigo.

 

Además del viaje a Santiago que fue excepcional, las ocasiones de salir de su universo cuotidiano y de distraerse de manera distinta son las fiestas, que aparentemente son bastante numerosas en periodo estival. A fines de Invierno son sobretodo las Fiestas Nacionales (del 18 al 20 de Septiembre), y luego, llegando los bellos días del Verano, asiste a numerosas carreras dominicales de caballo, va al circo (en Enero 1893), asiste a numerosas trillas, multiplica las partidas de caza con sus amigos y parte, el domingo, con 3 o 4 compañeros a paseos a caballo. Durante esta estación, en que las festividades son numerosas, el Año Nuevo, que en Francia es una fiesta importante, pasa casi desapercibida. El primero de Enero 1893, que es el primer Año Nuevo que pasa en Chile, Jean Pierre queda muy decepcionado, pues contrariamente a lo que sucede en Pomarey, nada de especial es organizado. En invierno, aparte de las Fiestas Nacionales chilenas del mes de Septiembre, solamente la fiesta del 14 de Julio, que reúne a todos los franceses de San Carlos en una cena y un baile, viene a alegrar este triste periodo del año.

  

El descubrimiento del país

  

Todo es nuevo para Jean Pierre. Descubre al mismo tiempo un oficio, la curtiembre, y un nuevo país completamente diferente de su Chartreuse Natal. El descubrimiento del país, sin embargo, se hará progresivamente. Se necesitará esperar dos meses para recién entonces, conocer la pequeña cuidad de San Carlos, que no va a entusiasmarlo verdaderamente, pues no hay en ella ninguna distracción y nada hermoso. Sus primeras impresiones de su nueva tierra de acogida no son muy positivas. Cierto es también que llega a Chile en pleno Invierno. Las lluvias son casi permanentes, el barro lo invade todo, las temperaturas son frías. El clima no es el único punto negativo de este país según Jean Pierre. Sus habitantes no le merecen ninguna confianza. Ha desembarcado en un país sin civilización, los chilenos para él son indolentes, poco trabajadores, y un poco ladrones. Incluso si los europeos tienen una imagen ampliamente más positiva, Jean Pierre les reprocha sin embargo, la cultura excesiva del  parecer y del lujo, que los hace gastar, especialmente en vestimenta, fortunas considerables. La ropa viene casi toda de Europa. Jean Pierre muy a pesar suyo, se siente obligado, para mantener su rango, a hacer como ellos.

 

En cambio, queda sorprendido y maravillado de esta civilización, de esta cultura y de este país, donde el caballo esta omnipresente. Todos los desplazamientos se realizan montados en el mejor amigo del hombre, la mayoría de las distracciones se hacen con o en relación con los caballos. Aparentemente, la sensación del espectáculo de la Fiesta Nacional son las carreras de caballo (y sus rodeos) a los cuales Jean Pierre asiste, participando al menos en una de ellas, con Edmond, en 1892. Esas festividades fueron la primera ocasión para Jean Pierre de salir un poco lejos de la Curtiembre y de ver gente distinta a la de un círculo restringido. Luego, llegando el mes de Noviembre, el clima se vuelve más clemente, las lluvias menos seguidas, el barro comienza a desaparecer. El invierno toca a su fin, las impresiones de Jean Pierre se vuelven positivas. Ahora el domingo, cuando no lo solicita la tía para comprar cueros donde los grandes propietarios, con Edmond su joven cuñado, además de los paseos a caballo, asisten a carreras de caballos, que son bastante numerosas. A partir de entonces, está fascinado e impresionado por la inmensidad de ese país, comparado a la exigüidad de sus montañas natales. Descubre maravillado una región donde ciertos dominios son tan grandes como su comuna natal de Proveyzieux.

 

Con el mes de diciembre, hacen su aparición los fuertes calores, pero las noches permanecen particularmente frías. Las diversiones son ahora numerosas, pues es el momento de las cosechas. Todas las tardes con Edmond, asisten a la trilla en las propiedades cercanas. La manera de prensar y de cribar el grano, lo sorprende. Contrariamente a la manera de proceder en la Chartreuse, las espigas de trigo no  son cosechadas y transportadas en gavillas, sino a granel. Enseguida son depositadas, en un enorme montón, en un vasto recinto que sirve de área de trilla. El prensado se realiza ahora por 4 o 5 caballos, montados por hombres, que giran en el recinto, en el cual poco a poco son esparcidas las espigas que se van a pisar. Todo el mundo se junta alrededor de esta área improvisada, gritando para hacer galopar los caballos, las jóvenes, inclinadas en la cima del montón de espigas, animando esta operación cantando y tocando la guitarra. El trigo es enseguida cribado por hombres equipados de un azadón, que tiran los granos y la paja al aire, el viento encargándose de separarlos.

  

Al final del verano, en Abril 1893, Jean Pierre declara a sus padres que finalmente está acostumbrándose al país, aún cuando los primeros tiempos fueron muy duros.